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Nous sommes en octobre 2014, et d’énormes manifestations secouent la Turquie. Kobané, une ville majoritairement peuplée de Kurdes à la frontière syrienne est assiégée par l'État Islamique. Son cri parvient aux oreilles des Kurdes de Turquie, et par milliers, ils déferlent dans les rues pour défier le gouvernement turc, qu'ils accusent de soutenir l'État Islamique.

 

Je navigue dans la foule et j'entends les cris d’une langue qui m'est inconnue. Dans tous les sens, je vois affluer des "Her biji Kobanî", "Biji Berxwerdana Kobanî" ainsi que d'autres slogans hermétiques. 

Je vois aussi Kobané, le mot, le symbole, fièrement brandi par les manifestants. Aujourd’hui, ils honorent les ruines de la ville martyre par des chants, des hymnes de contestation.

 




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I. Le chant de Kobané

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Je rentre à temps pour le repas. Mîste et ses amis sont revenus plus tôt de la manifestation pour éviter la police. On s'amasse tous dans le salon et on s'assied par terre, sur les tapis. L'ordinateur diffuse en même temps des chansons sur YouTube pour détendre l'atmosphère.

 

Je connais Mîste depuis le début de mon séjour en Turquie. Ce jeune musicien habite à Diyarbakır, dans le sud-est de la Turquie. Je lui demande de m'expliquer la signification de ces slogans que j'ai vus dans la manifestation. Dans un anglais approximatif, il me partage sa traduction "Her bijî Rojava veut dire longue vie à Rojava !" Rojava ? "Tu n'es pas au courant ? C'est le nouveau canton multiculturel autour de Kobané qui vient d'être formé. Les Kurdes peuvent gouverner leur propre territoire désormais."

 

Chaque jour, Mîste et ses amis essayent de rester au courant de l'actualité du front de Kobané. Les musiciens qui peuplent la guérilla diffusent régulièrement de nouvelles chansons. Mîste me montre la vidéo d'une combattante du YPG (Front de protection du peuple, branche armée des Kurdes de Syrie) récitant les vers de "Kobanê îro xemgîn e". Il me traduit les premières lignes.



"Kobanê îro xemgin e

Disewite, les bi xwîn e" 

"Aujourd'hui Kobané est en peine

Elle brûle, et son corps saigne"

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Je commence à comprendre ce que représente Kobané pour Mîste. Certains de ses amis sont partis au front, et il attend encore de leurs nouvelles. Kobané, désormais une ville-martyr, représente une source d'inspiration pour les musiciens comme Mîste.


"En kurde, "Kobané" veut dire compagnie" précise Mîste. "Et lorsqu'on ne peut pas prendre les armes, nous les Kurdes, écrivons des chansons à la gloire des combattants". Dans un élan de fierté, il me montre son instrument de prédilection, un grand tambourin nommé l'erbané. "Quand les combattants kurdes partent faire la guerre, ils jouent de l'erbané".

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Qui écrit toutes ses chansons ? Un peu tout le monde me dit Mîste "On dit souvent que tous les Kurdes sont des poètes, on peut tous écrire et chanter quand on veut". De son balcon, Mîste m'indique les murs de la ville: "Je vais te montrer un endroit intéressant, un lieu de production pour la musique kurde. Avant que tu ne partes pour Istanbul, il ne faut pas que tu rates ça !"



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Diyarbakır

Turquie

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Kobané

Syrie

Les anciens chanteurs de Diyarbakır ont commencé leur réunion quotidienne. Partons à leur rencontre

Istanbul

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